Image décorative : la reconstruction infantile

Comment se reconstruire après la maltraitance infantile ?

Peu de personnes ouvrent la bouche sur le sujet de la maltraitance infantile. C’est pourtant un sujet de première importance, qui touche 50 000 enfants et adolescents chaque année en France, parmi lesquels plus de 70 décès sont comptabilisés tous les ans.

Publiée le 18/12/21 à 8h52, par Jade Jacquot.

Temps de lecture : 5mn.

Les prémices d’un parcours long et douloureux

Si le silence est l’attitude adoptée par la plupart des victimes, c’est parce que bien souvent les violences se tiennent au sein du foyer, dans la cellule même où l’enfant se développe. Parler relève d’une opération suicide lorsque l’enfant l’envisage, et bien souvent ses propos sont minimisés voire complètement décrédibilisés… Sans parler du nombre accablant d’enfants qui ne prennent conscience des sévices subis que plusieurs années après les faits.

Les garde-fous que sont l’école, les institutions publiques ou encore le voisinage, doivent à tout prix être sensibilisés à cette réalité et aux signes qui peuvent la prévenir. Mais toutes les violences envers les enfants ne provoquent pas de bleus et pourtant, elles causent des dégâts à long terme pour celui qui les endure.

Petit lexique de la maltraitance

Image décorative. message d'arrêt vue de dessus

« Toute forme de violences, d’atteinte ou de brutalités physiques et mentales, d’abandon et de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle » est considérée comme de la maltraitance infantile, d’après la Convention sur les Droits de l’enfant de l’ONU.

En pratique, tout ce qui peut nuire à la santé ou au développement physique comme intellectuel, tout ce qui porte atteinte à la sécurité ou la moralité et tout ce qui nuit gravement au développement affectif ou social peut faire l’objet d’un signalement.

Il vous suffit pour cela d’appeler le 119, numéro national de l’enfance en danger.

Pour être tout à fait réaliste, une forme de violence ne vient jamais seule mais se conjugue à plusieurs autres selon le profil de la personne qui les perpétue. C’est ce dont nous a courageusement témoigné Constance, interviewé par l’équipe de Derrière les sourires dans l’épisode 17 intitulé « La mine de crayon sur la main ».

De la violence verbale au châtiment corporel, le mécanisme de dépréciation

Constance évoque avec nous son enfance ponctuée par les insultes et les coups de sa mère. Très tôt elle est inscrite à des cours de piano où elle n’a d’autre choix que d’exceller car à la moindre fausse note les coups tombent. Il en va de même pour sa scolarité durant laquelle elle est systématiquement première de classe, poussée par les dégradations verbales et les sanctions démesurées, dès qu’elle ne décroche pas la meilleure note. Pourtant aucun égard ne lui est accordé dans ce but, elle doit se procurer ses fournitures scolaires elle-même, tout comme sa nourriture. On parle dans ce cas de négligence, ou violence par omission.

Les traces laissées par ces mauvais traitements sont physiques mais également psychologiques.

Ce genre d’expérience dégrade profondément la confiance en soi des enfants victimes, qui développent une peur irrationnelle de l’échec, souvent associée à une exigence démesurée envers eux-mêmes. L’échec synonyme de douleur devient une issue insoutenable et maintient ces personnes dans une forme d’immobilisme, car la perspective de ne pas réussir est anxiogène.
Pourtant, avec le recul, Constance admet qu’elle a toujours réussi ce qu’elle entreprenait… Mais il n’en demeure pas moins, qu’aujourd’hui encore, l’appréciation de sa propre valeur est très altérée.

Image décorative sur la maltraitance infantile.

Peut-on aimer lorsque l’on n’a jamais été aimé ?

Les paroles de Constance sont glaçantes mais non équivoques :  « Ma mère, je suis capable de le dire maintenant, ne m’a jamais aimé ». Malgré l’acharnement de Constance à briller dans tout ce qui était requis d’elle, aucune marque d’affection ne lui sera jamais manifestée. Dans une vaine tentative de « plaire » à sa mère, elle va jusqu’à modifier son corps, tombant dans l’anorexie.

Ce n’est qu’à la fin de ses études, qu’elle réalise qu’elle ne recevra jamais de sa mère la reconnaissance qu’elle mérite pour ses succès. Il lui faut alors faire le deuil d’une mère qui n’en a jamais été une. Comme tous les deuils, il demande du temps et implique de lâcher prise sur les questions laissées sans réponse.
Parallèlement à cela, il est primordial de déconstruire les modes de pensée acquis durant l’enfance troublée des enfants maltraités. L’accompagnement d’un professionnel de confiance est souvent un pas à franchir pour entamer ce processus.

Nous avons identifié deux étapes qui semblent s’imposer :

Étape 1 : La validation du ressenti. Lorsqu’une personne prend la pleine mesure des traumatismes endurés, il est vital pour elle que ses sentiments soient entendus et légitimés. D’autant que la plupart du temps elle aura été culpabilisée et rendue responsable pour les violences subies dans l’enfance.

Étape 2 : Apprendre à s’aimer. Dans un contexte familial d’abus, le mot d’ordre est le déni de soi et de ses émotions. À l’âge adulte, il faut apprendre à supprimer ses automatismes nocifs pour retrouver un sentiment de valeur et d’appréciation personnelle.

On ne le dira jamais assez, pour s’épanouir dans ses relations, s’aimer soi-même est un réel bienfait ! Outre cela, il faut considérer que l’aptitude à aimer est aussi quelque chose d’instinctif qui n’est pas défaillant dans la plupart des cas. Dans le cas contraire, le terrain psychologique de la personne est souvent remis en cause.
Il est donc possible et même vraisemblable, d’aimer ses enfants, malgré les traitements subis pendant l’enfance. Les craintes de reproduire de tels comportements peuvent donc être écartées, même s’il est naturel de s’en préoccuper.

Le courage de se reconstruire

Comme nous l’avons vu, ce parcours est long, et jalonné par les prises de conscience. Savoir qu’on a été maltraité (ou qu’on l’est) est une chose, s’en défaire en est une autre.
Pour Constance, il a fallu couper les ponts avec ses parents, bien que très attachée à son père, pour parvenir à panser les plaies de son passé et maintenir ses filles et sa femme à distance de cet environnement toxique.
Il appartient à chacun de prendre les dispositions qui lui semblent nécessaires pour se renouveler dans un environnement sain.

L’ampleur des traumatismes causés reste à déplorer et il est important de rappeler qu’il est plus facile de construire un enfant fort que de réparer un adulte brisé. La vigilance sur ce sujet doit donc être l’affaire de tous afin de protéger l’enfance.

Image décorative. Mains en forme de coeur qui entoure un coucher de soleil. Représente la reconstruction personnelle.

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