Femme en pleine dépression devant un lac

Comment ma dépression a donné naissance à mon podcast ?

Avant de tendre mon micro à mes futurs invités et de recueillir leur récit de vie, je voulais me prêter moi aussi à cet exercice délicat et vous raconter comment j’ai sombré en dépression, insidieusement pendant plus de 2 ans, jusqu’à me prendre vraiment un grand retour de manivelle et enfin pouvoir toucher le fond et remonter.

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Publiée le 09/03/22 à 12h12, par Laetitia Giovanni.

Temps de lecture : 13mn

Le stress de l’impatriation : point de départ de mon mal-être

Automne 2017 : Loïs et moi venons de prendre la décision de revenir en France après presque 4 ans et demi de vie aux USA. Bien que mûrement réfléchi, c’est sûrement la décision la plus dure de notre vie de couple. D’un côté, il y a le confort de la vie quotidienne, mais une absence de vision à long terme. Et de l’autre, l’assurance d’une vie plus confortable sur le long terme, mais un quotidien plus pesant.

À ce moment-là, je travaille dans une entreprise en tant que responsable événementiel depuis un an et demi ; j’adore mon job dans lequel je me sens très épanouie. Quand j’annonce à mon chef que nous allons rentrer en France, je me suis préparée à perdre mon emploi, même si ça ne me réjouit absolument pas. Je lui fais part de mon désir de continuer à travailler avec eux, à distance, et lui déroule mon argumentaire pour plaider ma cause. Il se montre favorable à cette idée.
Au même moment, on apprend que l’entreprise est en plein milieu d’un rachat, donc une nouvelle équipe de dirigeants va prendre les rênes et je crains qu’ils s’opposent à ma relocalisation, mais pas du tout. C’est un immense soulagement de savoir que je vais continuer ce job et que je vais garder mon indépendance financière. 

Les semaines défilent très vite et l’heure du départ approche. Remballer 4 ans et demi de vie en 3 mois, c’est vraiment intense, notamment avec 2 enfants en bas âge et des emplois à plein temps. Nous quittons les Etats Unis le 20 décembre 2017 et débarquons le lendemain à Grenoble, ville dans laquelle nous vivions avant notre départ. Nous étions partis à 2 et nous revenons à 4, avec 2 petits franco-américains, Olivia, qui a 2 ans et 3 mois et Noam tout juste 5 mois.

On arrive juste à temps pour fêter Noël en famille, mais nous arrivons exténués de la pression des derniers mois. Les enfants sont en décalage horaire, on ne dort pas beaucoup et on enchaîne les visites dans la famille. Dès les premiers jours, c’est un choc culturel énorme. Un choc culturel inversé ; on se sent totalement étranger dans notre propre pays. Il y a beaucoup de choses auxquelles nous étions certainement habitués avant le départ, mais qui nous font l’effet d’une douche froide à présent. On se demande si on a pris la bonne décision de rentrer. On commence à douter, on se dit que c’était mieux là-bas. Beaucoup de conflits intérieurs en chacun de nous deux, mais on est là et il faut avancer. Alors, on se plonge dans les démarches administratives. Il nous faut notamment trouver un logement et cela s’avère beaucoup plus compliqué qu’on le pensait. Il y a très peu d’offres dans notre secteur et les quelques biens disponibles sont souvent des logements en mauvais état et dans lesquels on ne se voit pas du tout vivre.

Famille qui se réunit pour Noël

Loïs commence son travail début janvier. Moi, j’ai une charge de travail énorme puisque je vais lancer un gros projet sur lequel je travaille depuis déjà 18 mois. Je tiens vraiment à garder mon job parce qu’à côté de ça, j’ai l’impression que tout s’effondre un peu autour et mon job est la seule chose qui me tienne la tête hors de l’eau. J’ai pas mal de pression, car le chef de mon chef préférerait me remplacer et avoir quelqu’un dans les bureaux à Portland. Pendant plusieurs semaines, je me sens vraiment en danger, et j’ai l’impression que je vais éjecter d’un jour à l’autre. Je travaille énormément, j’ai des semaines de plus de 60 h. C’est dur émotionnellement, mais je suis en mode survie et j’avance sans me poser de questions. 

Un mois après notre retour, Olivia commence à avoir des difficultés émotionnelles. Elle a 2 ans et n’arrive pas toujours à exprimer autrement qu’au travers de grosses tempêtes émotionnelles, de crises de pleurs, voire même de crises d’angoisse. On se sent démunis ; on sait qu’on ne va pas y arriver tout seul, qu’il nous faut consulter et trouver de l’aide pour mieux accompagner notre fille. On consulte une thérapeute spécialisée dans la parentalité positive et c’est un travail qui nous apporte assez rapidement des solutions concrètes à mettre en place avec Olivia. L’harmonie familiale revient doucement, mais sûrement.

Femme qui craque à cause du surplus d'émotions

Les semaines, les mois passent, et l’été arrive enfin. Pendant les 6 mois qui viennent de s’écouler, l’ancien manager et certains anciens collègues de Loïs le contactent régulièrement en lui faisant comprendre que son poste aux USA l’attend s’il souhaite le reprendre. C’est vraiment le grand huit émotionnel et ces suggestions de revenir vivre à Portland sont déstabilisantes. Dans un sens, ça ne nous aide pas à tourner la page, et parallèlement, il n’y a vraiment rien de concret donc on continue notre vie en France.

Automne 2018, Olivia rentre enfin à l’école à 5 min de la maison. C’est seulement à cette période que j’ai l’impression de sortir du mode “survie” et, dans une certaine mesure, de reprendre un peu le contrôle de ma vie. Je commence à connaître un petit peu les mamans des enfants qui sont dans la classe d’Olivia. Je décide de rejoindre la liste des parents délégués avec l’espoir de rencontrer d’autres parents et reprendre une vie sociale.  On a quand même quelques copains de longue date sur Grenoble qu’on voit de temps en temps, mais je me sens assez seule et isolée au quotidien.

L'ascenseur émotionnel: entre France et USA

En janvier 2019, je pars à Portland pour un événement qu’on organise au siège social et je croise un ancien collègue de Loïs qui me dit à nouveau qu’il a encore sa place s’il veut revenir… Ce qui vient remettre une piqûre dans une plaie qui n’est pas totalement refermée. À la même période, son chef de Portland lui demande de venir 15 jours parce qu’ils ont vraiment besoin de lui, de ses connaissances, de son savoir-faire… Ce déplacement s’organise rapidement et Loïs part en mars pour 15 jours. C’est l’opportunité parfaite pour éclaircir cette situation et comprendre ce que Portland est prêt à lui offrir pour son retour.

Au cours de son séjour, Loïs m’appelle et m’informe que les discussions ne mènent pas bien loin et qu’ils n’ont rien d’intéressant à offrir niveau salaire, ce qui me fait l’effet d’un coup de massue. Je réalise que ça fait presque un an et demi que je vis avec l’espoir secret de repartir à Portland. Je passe une grande partie du week-end à pleurer, mais je suis avec les enfants, donc j’essaie de faire bonne figure. Intérieurement, je me sens dévastée. À la fin du week-end, je reprends le dessus et je sens que je suis prête à tourner définitivement cette page et refermer ce chapitre “Portland”.

Loïs rentre de son déplacement une semaine plus tard et m’informe qu’il a été contacté par un autre manager de Portland qui souhaiterait lui faire une proposition de poste. Nous sommes début avril 2019, j’ai enfin l’impression d’avoir fait mon deuil de tout ça et nous voilà repartis pour un tour dans le manège à sensation. Je suis entière et j’ai parfois du mal à ne pas m’emballer. Je suis un peu sur mes gardes, mais en même temps l’offre de poste à l’air très intéressante. On entre dans une période de recrutement qui va durer 3 mois. On sait parfaitement quel genre de salaire, on veut. On est prêt à repartir à Portland, mais pas à n’importe quel prix. Cette période de recrutement me paraît sans fin et j’ai hâte d’être fixée sur notre sort. Courant juin, on finit par recevoir une proposition de poste et salaire qui s’avère bien en dessous de ce qu’on avait imaginé et surtout de ce que nous étions prêts à accepter. Loïs ne s’attendait pas à grand-chose, pour moi, c’est une grosse déception. On essaie de négocier, mais avec peu d’espoir, car l’offre est 30 à 40 % inférieure à nos attentes. Très rapidement, on arrive à la conclusion qu’ils ne vont pas augmenter le salaire et cela nous est confirmé début juillet. À ce moment-là, j’ai l’impression d’être anesthésiée.

Processus de recrutement

Je m’enfonce et finis par toucher le fond

On rentre malgré nous dans une phase de déni total avec Loïs. On n’en parle pas de tout l’été. En septembre, l’idée de repartir revient me trotter dans la tête, mais quand j’en parle avec Loïs, ça devient très vite un sujet de tension entre nous. On a beaucoup de mal à communiquer. Moi, je suis très émotive quand on en parle, je pleure quasiment systématiquement, je me sens perdue. C’est vraiment un sujet très difficile à aborder qui commence à nous éloigner. J’ai très envie de repartir et Loïs, à contrario, est tellement déçu qu’il n’a plus envie d’en entendre parler. 

À ce moment-là, sans le savoir, c’est vraiment la goutte d’eau qui fait déborder le vase, le tsunami qui me submerge, a tel point que je ne contrôle plus rien. Je pleure à longueur de journée, j’ai des crises d’angoisse, je me réveille la nuit en sueur. Je rentre dans un cercle vicieux, un peu comme une descente aux enfers. Je n’arrive plus à travailler parce que je suis mal dans ma vie, je prends du retard et j’ai l’impression que je vais me faire virer parce que je ne suis pas à la hauteur dans mon job. Ce qui amplifie mes crises d’angoisse et mon incapacité à avancer par conséquent.

Et en l’espace de quelques semaines, je tombe très bas, je n’ai plus aucune patience avec les enfants, c’est très compliqué avec Loïs. On ne se parle quasiment plus sauf pour la gestion du quotidien des enfants et de la maison. 

Une psychologie en pleine thérapie de couple

Un soir, il y a une conversation qui déraille avec Loïs, et là, je comprends que je ne vais pas m’en sortir toute seule et que je suis bien trop enfoncée dans le gouffre. J’ai déjà été voir des psys dans ma vie pour différentes raisons et je ressens au fond de mes tripes que je suis à un moment de ma vie où il faut que j’ai de l’aide extérieure. Je trouve un psychothérapeute dans mon village, qui par chance, peut me recevoir dès le lendemain. Je saute sur l’occasion, car je n’ai pas envie d’attendre. Il faut que la spirale infernale dans laquelle je suis partie s’arrête. La première séance dure 2 h pendant lesquelles je vide mon sac. C’était la première fois depuis mon retour que je m’autorisais à dire exactement tout ce que je ressentais et à le dire sans me censurer. Je ressors de cette séance avec l’impression qu’on m’a enlevé un poids de 40 kilos des épaules et toute l’angoisse que je ressentais s’est soudainement évaporée. 

J’ai encore du travail à faire, mais je suis dans la bonne direction et les émotions hyper négatives qui m’envahissaient se sont estompées. Je comprends aussi que j’ai le sentiment de m’être sacrifiée dans ce retour en France. Cette décision, je l’ai pourtant prise conjointement avec Loïs, mais je l’ai prise en pensant que c’était mieux pour Loïs, pour les enfants, pour notre sécurité financière, pour nos familles… 

À aucun moment, je ne m’étais mise dans la balance de cette décision. Je ne m’étais pas demandé ce qui serait mieux pour moi, et ce, dont moi, j’avais vraiment envie. Ça m’est violent de poser le mot “sacrifice” mais ça me permet de réaliser pourquoi je suis dans cet état-là à ce moment-là. Et je me rends compte aussi qu’il y a plein de décisions qui ont découlé de notre retour en France qui sont en fait des non-décisions. Comme par exemple le logement que nous avons trouvé in extremis, à 48 h d’être “à la rue”. Un appartement de 84 m², plutôt sympa et moderne, mais je m’y sens à l’étroit comparé à notre maison américaine qui faisait le double de superficie… Surtout que notre logement est aussi mon lieu de travail et c’est important pour moi d’avoir un espace dans lequel je me sens bien, parce que je passe mes journées à la maison. 

En quelques séances avec le psychothérapeute, je me sens vraiment mieux et j’ai l’impression d’avancer un petit peu, et d’arriver à m’ouvrir aux autres de nouveau. Donc je commence à rencontrer des mamans, à me lier d’amitié avec certaines, et ça me fait beaucoup de bien. Si la situation s’améliore d’un point de vue personnel, ça reste très tendu avec Loïs. On n’arrive plus à se comprendre, il y a trop de non-dits accumulés au cours des derniers mois et depuis le retour, les choses se sont détériorées.

Il faut qu’on agisse avant de foncer dans le mur alors je lui propose donc qu’on aille consulter un thérapeute de couple, ce qu’il accepte. Je crois qu’il se rend compte que la situation est très tendue et que le divorce nous pend au nez si on continue sur cette lancée. J’y vais avec peu de conviction que la relation s’améliore, mais déterminée à essayer néanmoins. La première séance se passe vraiment très bien. C’est la première fois depuis des semaines, et même des mois, qu’on arrive à se parler sans crier, sans se fâcher, sans être émotifs. Ça donne une nouvelle dimension à nos échanges et en sortant de cette séance, je me sens soulagée d’avoir entrepris ce travail et je sens que ça va être salvateur.

L’hiver 2019 arrive et c’est encore un peu difficile. Je sais que je tiens le bon bout, mais il y a encore des moments un peu rudes. C’est une période où je suis assez active sur Instagram, mais en même temps je me rends quand même compte que je me compare beaucoup, j’ai l’impression de ne jamais être assez bien. Et je rentre un peu dans un cercle vicieux dans mon utilisation de cette plateforme comme un mélange d’addiction et d’auto flagellation. Mais je continue de “mentir”, de faire croire que tout va bien. Je ne parle pas du tout de ce que je suis en train de traverser, je fais l’autruche et je me montre moi aussi sous mon meilleur jour. Juste avant Noël, un événement dans ma vie personnelle m’affecte beaucoup et je replonge un petit peu. Sur un coup de tête, je décide de couper tous les réseaux sociaux. Pendant plusieurs semaines, je désinstalle les applications et je ne vais plus du tout sur les réseaux sociaux.

Déconnexion des réseaux sociaux

Remonter la pente et être alignée avec mes valeurs

Fin janvier, je reviens finalement sur Instagram et je décide de publier une story dans laquelle j’explique publiquement et ouvertement les maux qui me rongent. Je parle du mal-être profond et presque non avoué que j’ai traversé dans ma vie personnelle depuis notre retour, des conséquences lourdes que cela a engendré dans les autres domaines de ma vie. Je parle de mon mal-être, de mon sentiment d’étouffement, de ma solitude et de mon isolement… Des problématiques personnelles qui n’avaient aucun lien avec les réseaux, mais qui étaient accentuées par les centaines d’images super lisses que je voyais sur Instagram. Mettre en avant les aspects positifs de sa vie et taire les difficultés que l’on rencontre. J’avais moi-même pris part à cette mécanique, je postais des images avec un joli filtre, mais ça ne représentait pas ma vie dans son intégralité. C’était quelques secondes à peine d’un quotidien qui était super lourd et bien plus sombre. Je ne pouvais plus et ne voulais plus prendre part à ce phénomène qui avait contribué à mon mal-être et j’avais soudainement envie d’être plus transparente avec ma communauté.

J’étais intimement convaincue que je n’étais pas la seule à traverser une tempête, que d’autres personnes se sentaient peut-être seules et désemparées, et qu’elles avaient peut-être besoin de savoir que derrière les belles images, il y avait aussi des pleurs, des doutes, des galères et des angoisses. Même si je ne touchais qu’une seule personne, il fallait qu’elle sache que moi aussi, j’en bavais et que derrière mes sourires, il y avait beaucoup de souffrances.

Femme qui tient un téléphone et qui est sur Instagram

J’ai beaucoup hésité à poster cela en story parce que ce n’est pas facile de sortir de sa zone de confort, de parler de son intimité ainsi. Je ne voulais pas propager du négatif, mais je voulais aussi être honnête et authentique. J’ai écrit en toutes lettres les mots, dépression, insomnie, angoisse et thérapie. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre ni comment les gens qui me suivaient allaient réagir, mais je crois que ça m’était égal. Je publiais ces stories pour être plus en accord avec mes propres valeurs.

Au moment où je valide la story, c’est clairement un gros mélange entre soulagement, mais aussi un mal de ventre de savoir comment tout ça va être perçu. Très rapidement, le compteur de messages s’affole. Il y a celles et ceux qui m’envoient un petit émoji dans lequel je lis de la tendresse, du soutien et qui me font chaud au cœur. Et puis il y a tous les autres messages dans lesquels je lis : “merci, merci de nous dire l’envers du décor, de dire sans tabou ce que tu vis et ce que tu ressens parce que je ressens la même chose… Parce que je suis dans la même situation… Parce que je culpabilise parce que je me compare…

Et là, ma théorie se confirme, je ne suis pas seule. Nous sommes plusieurs, nous sommes connectés et cela donne une nouvelle dimension à nos échanges. Mais surtout, tous ces témoignages sont la preuve ultime qu’une grande partie de ma communauté apprécie vraiment cette transparence, qu’elle se sent soulagée et rassurée de savoir que ma vie est loin d’être parfaite et que j’ai aussi des épreuves à surmonter. C’est à cet instant qu’est né mon projet de podcast : Derrière les sourires.

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